jeudi 12 novembre 2009

Critique du disque "À tout moment la rue" d'Eiffel

À tout moment la rue est le quatrième opus du groupe.

Comme c'est ma première critique d'un album d'Eiffel, je dois tracer, dès le départ, l'inévitable parallèle entre leur musique et celle de Noir Désir.

En France, il y a dans le rock un "avant'"et un "après" Noir Désir, ce qui fait que depuis la percée foudroyante de la formation bordelaise, la plupart des groupes rock de l'hexagone s'exprimant en français n'ont pu éviter la comparaison.

Dans le cas d'Eiffel, c'est d'autant plus remarquable du fait que les membres des deux groupes sont amis et collaborateurs depuis une dizaine d'années. Romain et Estelle Humeau, membres centraux d'Eiffel, avaient participé aux arrangements musicaux du dernier album studio de Noir Désir, Des Visages, des figures paru en 2001. Les années ont passé et le silence contraint de Noir Désir a quelque peu laissé place aux autres groupes comme Eiffel. Évidemment, les maisons de disques cherchaient alors le prochain grand groupe qui allait vendre tous les disques que Noir Désir ne vendait pas. Le groupe du couple Humeau fut un de ceux-ci, recruté par Virgin music/EMI. Leur troisième album, Tandoori, dont sont sorties quelques pièces excellentes, a fait des vagues mais c'est peu vendu (à l'avis de la maison de disque). Des divergences entre le groupe et son label sont survenues et ont mené à la rupture du contrat. Un mal pour un bien selon la bande puisqu'Eiffel est de ces groupes qui revendiquent leur indépendance de création et de moyens de promotion, un peu à l'image de leurs grands frères musicaux.
Suite à une pause, Eiffel s'est remis au travail et s'est engagé avec le label indépendant PIAS (Christophe Miossec, Le peuple de l'herbe)

À tout moment la rue est un disque surprenant même s'il est peu détaché de leur style précédent, un rock souvent cru mais bien exécuté. La plume à la fois sauvage et romantique de Romain Humeau ressort et les mots sont soulignés par des arrangements empruntant autant
à un rock primaire qu'au folk, au blues et à d'autres styles parfois même plus "pop".

La pièce titre est un hymne politique rageur et poétique qui aurait très bien pu trouver sa place sur un disque de la bande de Bertrand Cantat. Ce dernier fait d'ailleurs une apparition surprise sur cette pièce en tant que choriste, derrière la voix puissante de Romain Humeau. Le duo de voix atteint son paroxysme au climax de la pièce, lorsque les cris fusent de derrière et de devant pour ensuite laisser tomber avec fracas l'énergie brutale qui s'était accumulée depuis les premières secondes d'écoute. Les deux hommes avaient déjà partagé le micro, avec autant de fougue, dans la reprise de la chanson révolutionnaire Le temps des cerises, parue en 2008 et enregistrée avec les membres de Noir désir.
La rage exhalée dans ces deux chansons est, ailleurs, ce qui différencie Eiffel de Noir Désir. La musique de la formation bordelaise était caractérisée par ses trames musicales et ses paroles souvent mélancoliques et empreintes d'un sarcasme cynique dosé mais bien présent. Dans la musique d'Eiffel, la dérision ambiante n'est pas aussi sombre. De plus, les instruments comme le banjo viennent égayer la musique en lui proférant un sens de l'humour véhiculé ensuite par les modulations vocales de Humeau.

Enfin, À tout moment la rue est un disque à découvrir pour les québécois qui ont soif de rock avec une colonne vertébrale mais aussi avec du coeur et surtout, un cerveau.

Il est à noter que je parle de la musique de Noir Désir au passé, alors que le groupe existe toujours. Je le fais seulement pour alléger le texte en évitant des explications impertinentes en rapport au sujet actuel.

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